Le matin, en ce moment, je me lève tôt pour aller marcher. Là, ce n’est pas pour flâner. C’est pour faire du sport. Entrainer mon corps. Maîtriser - ce délire de rigueur qui apporte souvent plus de frustration que de bonheur.
Mais bon.
Là n’est pas la question.
Le matin, donc.
Dans le noir sale des villes au petit matin, à côté des trois dormant debout à l’arrêt de bus, déjà fatigués de leur journée pas encore commencée, je vois ces jours-ci quelques maisons enguirlandées.
Des lumières rouges, vertes, bleues, blanches qui éclairent la nuit pour les chats qui s’en foutent.
Des bonhommes de neige au sourire de plastique figé.
Des pères-Noël fabriqués en Chine grimpant les façades.
Ho! Ho! Ho!
D’une infinie tristesse.
Le midi, en ce moment, je vois dans les magasins des files de gens trop habillés, transpirant, la mine fatiguée, les bras chargés d’objets, futurs présents, futur déceptions, futur déchets.
Ça s’énerve un peu - c’est mal organisé.
On se demande si la dame avec sa carte handicapé ne l’a pas un peu fait exprès de venir aujourd’hui, à cette heure-ci pour NOUS passer devant…
Hein?
J’en fais partie aussi, mes bras chargés d’objets, futurs oublis.
D’une fatigue infinie.
Le soir, en ce moment, les pubs partout pour du foi gras aux huîtres enroulé dans du saumon fumé au champagne pour en faire une farce à bourrer dans la dinde - à moins que ce ne soit l’inverse.
Et à moi, végétarien :
- Mais qu’est-ce que tu manges pour les fêtes, toi?
Avec ce ton de voix comme si j’avais un cancer en phase terminale…
Et cette envie de répondre :
- Rien!
Ou :
- Des graines et de la salade!
Mais qu’est-ce que ça peut vous foutre?
Le bonheur c’est de se remplir de gras comme une outre?
D’un infini dégoût.
Noël - ô Noël,
Prévoyez chaque année de plus grandes poubelles.
Mais quand?
À quel moment, collectivement, avons-nous abdiqué?
Baissé les bras.
Et accepté de prendre notre place dans l’attente des moments calibrés de joie
Obligatoire,
Accepté ces normes de toujours plus de gras,
Toujours plus de dérisoire?
Quand avons-nous accepté que la majorité de nos vies soit faite
De la tristesse infinie des lendemains de fêtes?
Quand et pourquoi?
Pourquoi?
Je ne sais pas.
Et je ne sais pas comment y échapper.
L’angoissante marche forcée des fêtes de fin d’année.